Lille 2024
La maltraitance sur le jeune enfant : de la négligence aux abus, comment repérer, observer et évaluer ?
S’il semble évident que les enfants ont une place à part entière dans nos sociétés modernes, il n’en reste pas moins qu’ils ne sont pas préservés du monde des adultes dont ils deviennent parfois le symptôme et/ou la résonnance d’un mal-être familial. Le jeune enfant ne peut encore verbaliser et comprendre ce qu’il vit dans son contexte environnemental et familial.
Le mot enfant vient du latin « infans », qui signifie « celui qui ne parle pas ». Il aura fallu de nombreux siècles avant de pouvoir nommer la maltraitance parentale tant nos sociétés patriarcales étaient fondées sur l’absence de considération de l’enfant, perçu bien trop souvent comme un fardeau ou une ressource qui devait servir à la famille. C’est en 1898 qu’est promulguée une loi relative à « la répression des violences, voies de faits et attentats commis contre des enfants », et il aura fallu attendre le XXIème siècle pour qu’émerge la notion des besoins spécifiques de l’enfant. Le 20 novembre 1989, soit près d’un siècle plus tard, était adoptée la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) comportant 54 articles (dont le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée, le droit d’aller à l’école, le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation …/…), convention qui a été ratifiée par 197 états, afin que l’enfant soit enfin considéré comme un être de droit, avec ses besoins spécifiques.
Les derniers textes législatifs relatifs à la protection de l’enfance (5 mars 2007, loi Philippe Bas, 14 mars 2016, loi Laurence Rossignol et 7 février 2022 dit Loi Taquet), les études et recherches récentes (démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant), soulignent l’importance d’intervenir le plus précocement possible auprès du jeune enfant, du fait de sa grande vulnérabilité.
Les négligences répétées, les interactions insécures (discontinuité du lien ou ruptures relationnelles), ainsi que les réponses aux besoins primaires et secondaires inadéquates ou incohérentes dans la prise en charge quotidienne du jeune enfant, ont des conséquences très prégnantes et dommageables sur son développement.
L’existence d’un climat intrafamilial empreint de tensions, voire des violences verbales et/ou physiques, violences qui peuvent aller jusqu’à une situation d’abus, peuvent également impacter le tout petit dans son évolution.
La théorie de l’attachement et les apports des neurosciences, démontrent les répercussions de la non prise en compte de ses besoins spécifiques de sécurité, de santé, mais aussi en termes de développement dans les domaines physiologique, psychoaffectif et relationnel du jeune enfant.
Pourtant force est de constater qu’évaluer la réponse parentale (ou familiale) aux besoins du jeune enfant, voire le danger auquel il est exposé, est un exercice professionnel rendu difficile, par l’absence ou le manque de langage oral dont dispose l’enfant.
L’intervention des professionnels et les enjeux qui en découlent, peuvent aussi être confrontés à la méfiance, voire la défiance qui peut être celle des parents, d’autant plus quand le temps de l’intervention (ou de l’investigation) se situe dans un cadre judiciaire contraint.
De quelles références, méthodes, codes, devons-nous disposer ? Quelles postures professionnelles devons-nous adopter pour déchiffrer les signes ou les appels, exprimés souvent à bas bruit par le jeune enfant et qui pourraient traduire des actes ou des attitudes maltraitantes dont il est victime ?
Si des actes de violence physique peuvent être visibles à l’observation, une auscultation étant parfois nécessaire pour les diagnostiquer de façon plus précise, que dire des actes de maltraitance lorsqu’ils sont moins apparents, comme les négligences, l’absence de stimulation, la pauvreté du lien, l’absence de portage, une alimentation inappropriée ou insuffisante, une surexposition aux écrans dès le plus jeune âge.
Une attention toute particulière doit être portée à ces stades de développement précoce au regard de leurs incidences sur sa construction neurologique, physique, psychique, ainsi que sur sa vie affective et sociale.
Repérer les signes de souffrance du jeune enfant nécessite vigilance et rigueur mais suppose également des techniques de travail spécifiques, des outils appropriés, des compétences et des moyens particuliers. Sommes-nous toujours suffisamment disponibles, formés et aguerris ? Avons-nous les moyens et les compétences pour mener une mission de cette importance ? Comment prendre en compte le temps de l’enfant, distinct du temps du parent, dans un temps contraint d’intervention ? Voilà bien des questions qui traversent les pratiques des professionnels et les équipes, tout comme celles du traitement de ces problématiques par l’instance judiciaire.
Observer plus attentivement l’enfant et ses parents à domicile, au service ou dans tout autre lieu qui s’avère pertinent, questionner en profondeur les parents et l’environnement de l’enfant pour comprendre, mettre du sens ou en sens, son quotidien.
Au cours de nos journées d’études, il s’agira d’approfondir les questions relatives au développement de l’enfant, des compétences parentales et des ressources mobilisables.
L’observation, le repérage et l’évaluation dans une dynamique pluridisciplinaire et partenariale, devront permettre de rendre compte d’une analyse étayée, de préconiser des orientations les plus ajustées aux besoins du jeune enfant, à sa protection et ainsi favoriser son évolution future en mobilisant ses parents.
Liste des intervenants
Allocutions d'ouverture Lille | |
Anne DEVREESE |
Présidente du Conseil National de la Protection de l'Enfance (CNPE)
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Céline TRUONG |
Volontaire permanente et Responsable du département Petite enfance Famille d’ATD Quart Monde France.
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Blandine MALLEVAEY |
Professeur en droit privé et sciences criminelles, spécialisée en droit civil et pénal de la famille et de l’enfant
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Nadège SEVERAC |
Sociologue, Recherche, Conseil, Formation - Chercheure associée au CERLIS (Paris Descartes)
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Gisèle APTER |
Professeur d’Université- Praticien Hospitalier en Pédopsychiatrie
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Martine NISSE |
Directrice du Centre des Buttes-Chaumont, thérapeute familiale, éducatrice spécialisée, membre de l'EFTA (European Family Therapy Association) et de l'IPSCAN (International Society for Prevention of Child Abuse and Neglect)
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Exemples de pratiques professionnelles |
Témoignages de nouvelles pratiques dans les SIE autour des tout-petits
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Gaetan BRAULT |
Psychologue clinicien, président de l'AFIREM Grand Est
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Fréderic GHYSELEN |
Directeur du CREAI Hauts de France
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Clôture des Journées d'études de Lille |